vendredi 2 août 2013

Concrete, jours 3, 4 et 5 (Shuksan Lake Trail & Chautauqua)

Vue du lac Baker depuis l'aire de départ du Shuksan Lake Trail
29/7/13. John était à l'heure (même un peu à l'avance) ce lundi matin. J'avais préparé mon sac de randonnée, mon bâton (je m'en suis taillé un la veille, dans un genre de châtaigner je crois, pendant ma balade au Baker River Trail – je me voyais mal trimbaler le mien depuis la France dans mes bagages...) des litres de flotte (parce que je savais qu'on allait crever de chaud et suer à grosses gouttes) et puis de quoi manger une fois sur place.
Nous nous sommes garés à proximité de la route. La voie menant au Shuksan Lake Trail est bloquée à la circulation depuis quelques années, car il y a deux gros torrents remplis de troncs coupés qui la traversent. Autrefois, les bûcherons utilisaient ce sentier pour débiter la forêt, mais ici, la Nature reprend inexorablement ses droits et c'est tant mieux. J'ai glissé en traversant les torrents. Plus de peur que de mal, fort heureusement (merci au bâton), mais j'ai dû poursuivre le chemin avec une jambe trempée et les deux chaussures gorgées d'eau. Elles sont bien mes "Aigle", mais ce ne sont vraiment pas des chaussures faites pour le tout-terrain : la semelle glisse dès que l'environnement est légèrement humide.

Le Shuksan lake, c'est ça les amis!
Il y avait du brouillard et la visibilité était très restreinte (30 mètres à tout casser). Hormis l'odeur sucrée dégagée par la pinède américaine, on aurait fort bien pu être en Soule. La montée jusqu'au départ du sentier de randonnée est longue et parsemée d'embûches. Et pour cause, un gros tronçon de la piste est recouvert d'arbres qui sont tombés cet hiver (ou celui d'avant) sous le poids du vent et de la neige. En outre, de grosses portions sont envahies de plantes diverses (dont des brassées de digitales) qui peuvent facilement monter jusqu'à 1,50 mètre. Je me suis demandé comment on arriverait à trouver l'entrée du sentier dans un bazar pareil, mais ça s'éclaircit en arrivant au bout de la piste. Parce que oui, au bout d'un moment, la piste s'arrête. Là, plus de plantes envahissantes, seulement un épais tapis de mousse sur lequel John a préféré m'attendre pendant que je gravissais le reste. J'ai compris pourquoi après coup ;-)
Coup de chance, les nuages commençaient à s'éparpiller. J'allais enfin pouvoir voir de mes propres yeux ce lac que je n'avais fait qu'entre-apercevoir sur Google maps!

ou ça aussi, d'ailleurs... C'est beau, hein?
Le départ du sentier est encore assez bien marqué (sur la carte, il est indiqué qu'il est abandonné). Je n'ai pas eu trop de souci pour me repérer, dans les premiers mètres. Mais plus ça monte, et plus le tracé du chemin officiel se confond avec ceux laissés par le passage des animaux sauvages. Et puis Bon Dieu, ce que ça grimpe et ce que ça glisse!!! Heureusement qu'il n'avait pas plu depuis plus de trois semaines, je ne sais pas ce que j'aurais fait, sinon!
Il faut parfois carrément escalader de gros rochers pour retrouver la voie, camouflée derrière des petits conifères bourrés d'épines bien piquantes et collantes. Mais j'avais tout prévu : je ne randonne JAMAIS en short et j'avais une polaire à manches longues (je crevais littéralement de chaud, d'ailleurs). A un moment, je me suis perdu. Plus de sentier, pas du tout de repère (les américains ne font pas de marques de peinture comme chez nous, mais font parfois des entailles dans les arbres – c'est le cas sur ce sentier), j'ai pensé à rebrousser chemin. Et puis je me suis rappelé l'irritante chanson de Yazz (dans les années 80) : "The only way is up". Elle avait raison, j'ai fini par retrouver la suite du parcours et en à peine une heure, j'étais au lac.

Le genre de paysage qu'on trouve autour du lac...
Du moins je le voyais d'où j'étais, c'est à dire à peu près à 200 mètres en dessous de moi. En 10 minutes de descente de cow-boy, j'y étais. C'est marrant, mais la configuration des lieux n'est pas exactement telle que je me l'imaginais. C'est évidemment beaucoup plus grand que prévu, et il y a aussi énormément d'arbres partout. Pas de roche à nu, ou alors très très haut. Il y a encore des névés assez importants ça et là, des traces d'animaux aussi (des cervidés essentiellement) et pas mal de crottes d'ours noirs. Je n'ai vu aucune des ces bêtes sauvages ni même de cougar (heureusement, sans doute... ), même si je me sentais bizarrement observé par moments. Au lac, hormis le chant de quelque geai bleu gobant des nuées de moustiques (ça par contre, il y en avait des millions – mais je m'étais badigeonné de produit pour éviter de me faire dévorer vivant), pas un bruit. Le calme absolu. Cet endroit est vraiment magnifique, appaisant, tranquille et surtout loin de toute civilisation.
Il y a quand même quelques "campfires" comme ils disent ici, autour du lac. Apparemment, l'endroit est encore apprécié des randonneurs et surtout des chasseurs. J'ai retrouvé des cartouches vides ainsi qu'une montre assez récente, à demi enfouie dans le sol.

ça c'est ce qu'on voit à l'arrivée, en haut de la crête.
J'ai pris un déjeuner rapide, puis j'ai entamé le tour du lac, histoire de voir exactement comment les lieux sont configurés pour mon histoire. Bon, je vais avoir pas mal de corrections à apporter à mon manuscrit. Finalement, j'ai bien fait de venir à Concrete!
Vers 14h15, je me suis décidé à rentrer. J'avais promis à John de le retrouver sur la piste vers 16 heures. Mais vu que je n'avais mis qu'une heure pour la montée au lac, je me suis dit qu'en trente minutes, je serais en bas. Grave erreur!!! Je me suis perdu pratiquement dès le début du sentier. L'éclairage différent sans doute? Qu'à cela ne tienne, je savais que de toute façon, il fallait descendre en biais vers la gauche. C'est ce que j'ai fait et ma foi, ça descendait assez à pic. Je devais redoubler de prudence, car le sol, instable, était jonché d'aiguilles de pin glissantes, parsemées de vieilles branches pointues sur lesquelles il ne ferait sans doute pas bon s'empaler. Par moment, j'ai dû contourner quelques ravines, et je me servais des troncs d'arbres comme freins, tellement la pente était raide.

Et voilà le sentier de randonnée, ou ce qu'il
en reste... On dirait pas comme ça, mais ça
grimpe très sévèrement, quand même...
Malgré ma vigilence, j'ai quand même raté l'aire d'arrivée (sans doute d'une vingtaine de mètres trop à droite, pas plus) et j'ai continué ma descente. Au bout d'une heure, j'ai commencé à me poser des questions, quand même. J'ai appelé John, au cas où il m'entendrait, mais pas de réponse. Encore quelques mètres, et je suis tombé sur un endroit plus dégagé. Je voyais distinctement le lac bleuté de Baker Lake et c'est là que j'ai compris que j'étais beaucoup trop bas (d'au moins 500 mètres, voire plus) et trop à droite. Alors je me suis retourné et j'ai remarqué un autre passage dégagé à peine à une dizaine de mètres. J'ai bien fait de m'y rendre : c'était la fameuse piste! J'ai dû la remonter sur au moins 2 miles de lacets pour arriver jusqu'à John, qui était allongé dans la mousse, casquette rabaissée sur les yeux tout en picorant tranquillement des noix de cajou. Il n'en revenait pas que j'arrive du côté opposé!
Mais ouf! Encore une fois, je m'en étais bien sorti, mais j'avoue que j'ai été traversé par un léger vent de panique pendant quelques instants, d'autant que je n'avais plus d'eau potable et que je crevais de soif.

Sur le chemin du retour, j'ai pris deux litres d'eau fraiche dans une source et quel bonheur c'était de déglutir ça à toute vitesse! Nous avons dû retraverser les torrents (dans lesquels je suis retombé... on ne se refait pas), et nous sommes repartis vers Concrete, tout en discutant de choses et d'autres. John est un chic type, qui prend plaisir à m'expliquer son pays, ses coutumes, à me montrer les coins sympas... Et ça tombe bien parce que je suis curieux ;-)
Le soir, il m'a même invité au restaurant avec son épouse Gail pour fêter cette journée réussie!
Je suis rentré à l'hôtel complètement vidé, les jambes raides, les pieds paradoxalement trempés et en feu, mais j'ai dormi comme un bébé, avec de beaux rêves plein la tête.

L'un des visages peints (maison d'oiseaux) du jardin com-
munautaire de Concrete
30/7/13. Réveil à 7 heures. Après un passage rapide mais très sympa chez Jason Miller qui voulait m'interviewer pour le Concrete Herald, je devais absolument régler ce problème de banque avant de pouvoir passer à la suite. Il ne me restait plus que quelques quarters pour manger, et je savais que ça ne suffirait pas. Alors je suis allé à la Columbia Bank à Concrete pour voir s'ils pouvaient faire quelque chose, mais malgré leur gentillesse, rien à faire. Je suis parti à Sedro Wooley (une autre ville à une vingtaine de miles plus à l'ouest) pour essayer une autre banque (Wells Fargo), mais là non plus, ma carte ne voulait rien savoir. Je suis rentré à l'hôtel presque sur la réserve d'essence (le pétrole n'est pas cher ici : je fais un plein à 36$; mais les voitures têtent comme des nourissons affamés, et les distances sont trompeuses) et j'ai envoyé des mails à ma banque, sachant qu'en France, il était déjà trop tard pour que les choses avancent le jour même de ce côté de la planète.
Un wagon abandonné près de l'ancienne voie ferrée transformée
en sentier de randonnée. Tiens, ils en ont de bonnes idées,
à Concrete! Ce serait pas mal si les élus souletins en avaient
d'aussi bonnes, tiens...
Dans mon malheur, j'ai de la chance de connaître quelques personnes dans le coin. La femme de John travaille au supermarché Red Apple, qui se trouve à 50 mètres de mon hôtel. Elle m'a permis de prendre quelques victuailles que j'ai remboursées par la suite.

Après un petit tour de ville pour la forme, il était déjà 15 heures et j'étais complètement épuisé, rincé, lessivé. Je me suis allongé sur mon lit avec un livre ("Le livre de la mort", par Anonyme, tout à fait le genre de truc que j'affectionne) et je me suis endormi tout habillé. J'ai roupillé comme une masse jusqu'au lendemain matin 5 heures! Bon Dieu que ça fait du bien d'enfin lâcher prise!

John Boggs (à droite) en grand maître de la corde à sauter!
31/7/13. J'avais réglé le réveil très tôt car je devais absolument réussir à parler à ma banque via mail. Après quelques échanges du genre, je suis allé tenter une nouvelle fois ma chance au distributeur de billets de la Columbia Bank et là : Ô miracle! J'ai pu retirer 800$!!! Ouf, j'allais enfin pouvoir manger, acheter de l'essence, me faire plaisir, vivre, quoi...
J'ai donc dévoré un breakfast "Hungry Bear" (avec plein de viande, des pancakes et des patates hâchéees) au restaurant de Sonny, puis j'ai pris la voiture direction Burlington (un bled encore plus à l'ouest que Sedro Wooley) où j'ai acheté des bonnes chaussures montantes et confortables comme je les aime et pris de l'essence, et je suis rentré, après m'être perdu en essayant de retrouver la Highway 20.

La parade dans Main Street, avant le spectacle de Chautauqua
J'en ai profité que j'étais à nouveau en fonds pour aller faire un peu de lessive. Mais je me suis trompé de produit : j'ai pris de l'eau de javel au lieu de prendre la poudre habituelle. Je m'en suis rendu compte trop tard à l'odeur, en vidant le petit bidon dans la machine... Je m'attendais à retrouver mon linge tout décoloré mais coup de bol, seul un de mes pantalons kaki a pris un peu de produit et est devenu marronnasse par endroit. Ça aurait pu être pire! Pour rien au monde je n'aurais voulu ressembler à une Holstein!

Je n'ai pas mangé à midi. Le Hungry Bear se suffisait à lui même... A 15h30, j'avais rendez-vous avec John Boggs au Concrete Center, un genre de "maison des jeunes", mais pour les personnes âgées, lol. En effet, la radio locale KSVU (qui m'a aussi passé à la question dans le courant de l'après-midi) faisait une journée de levée de fonds (très à la mode ici) pour financer ses activités. 
Hula lààà... (Chautauqua)
Elle avait fait venir une troupe de Théâtre (genre nouveau cirque) appelée "Chautauqua" qui a initié la population aux arts du cirque et à la jonglerie pendant une partie de l'après-midi (j'ai même fait de la corde à sauter, comme une gamine, lol). Ensuite, tout le monde s'est rendu dans le bâtiment du Concrete Center pour partager le repas du soir. Puis ce fut la parade (en musique) jusqu'au cinéma Concrete Theater, où Chautauqua donnait une représentation entre café-théâtre, vaudeville, clowneries et jongleries en tout genre, le tout sur fond d'orchestre festif. J'ai beaucoup ri et les américains aussi. Il y avait quand même de sacrés tours de force dans ce spectacle. Pendant ce temps, le public pouvait faire des enchères sur des lots proposés par KSVU, toujours dans le cadre de sa levée de fonds. Il y avait des choses intéressantes (comme du pinard, par exemple). Dommage que je n'aie pas la place d'emporter grand chose, dans mes valises...
Duo de clowns musiciens (très drôle et j'ai tout compris!)
En tout cas, j'étais très heureux de me mêler à la population et de participer à la vie culturelle de Concrete, qui n'est, finalement, pas très éloignée de celle de Mauléon-Licharre... D'ailleurs, il y a énormément de similitudes entre les deux communes, malgré l'éloignement.

John m'a racompagné à l'hôtel après le spectacle et nous nous sommes donnés rendez-vous pour le lendemain à 9 heures pour aller à Artist Point, un magnifique promontoire, en haut dans la montagne qui permet de voir toute la vallée et plus encore. Quand il n'y a pas de brouillard ;-)

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