mercredi 24 juillet 2013

Cottonwood Road, l'idée en carton de la semaine...

L'entrée de Cottonwood Road. ça vous fait peur, à vous?
21/7/13. Dernier jour à Page, Je comptais en profiter pour aller à Bryce Canyon et Escalante River (Abbey m'a donné l'eau à la bouche avec cette dernière, qui était à l'origine un magnifique canyon entièrement sauvage contenant des pictogrammes Anasazi, mais qui a été entièrement noyé lors de la création du Powell Lake, avec le barrage de Glenn Canyon...) via un raccourcis que j'ai trouvé par hasard en potassant ma carte des sentiers de randonnée, et qui s'appelle Cottonwood Road. Cette route aurait normalement dû m'épargner un certain nombre de kilomètres et me permettre d'économiser mon quota (j'avais 600 miles inclus dans mon contrat de location auto, et j'étais déjà à plus de 400). Donc, pour « économiser », je me suis dit que j'allais passer par le désert. Et puis je suis Etienne H. Boyer, quand même, quoi ! Rien ne résiste à un Boyer, c'est connu ! Mon frère cadet vous dirait la même chose... Alors zou, direction le désert !

Mais ouais! ça roule nickel! 
Au début, j'ai eu du mal à trouver l'entrée. J'ai même failli renoncer et, soit poursuivre sur la route normale, soit rentrer et voir les plages, notamment la marina de Warheap. Et puis d'un coup, j'ai trouvé l'entrée. Ça avait l'air faisable comme ça, à vue d’œil. Une pancarte disait juste « don't go when wet ». Or, comme il n'avait pas plu depuis des jours (c'est le désert, je rappelle, au cas où...), Je me suis engagé sur la piste. Oui, parce que c'est une piste du genre de celles qu'on a en Soule pour aller aux cayolars. Enfin au début... J'ai roulé à la vitesse autorisée (35 Mph maxi), même à moins par moments, parce qu'il y avait parfois des (gros) cailloux à contourner. Je me suis quand même dit, « putain, t'as pas intérêt à tomber en panne ici, mec ! Sinon, tu finis ta chienne de vie déséché et bouffé par les vautours ! ».

Inquiétants, quand même, ces cailloux...
Mais j'ai continué. C'est très beau le désert de l'Utah, en fait (oui, c'est pas en Arizona). Ça change sans arrêt. On passe des 50 nuances de gris aux jaunes délavés, en passant par le saumon et le blanc mat. On en prend plein les yeux, et c'est vraiment l'aventure, telle que je la conçois. Un peu de danger, un peu de trouille, beaucoup de beauté. A un moment donné, j'ai roulé dans une grosse flaque de boue. J'ai un peu dérapé, et je me suis cru au rallye des cimes, avec ma Sonic. Je me suis dit : « Si c'est tout comme ça, ça va aller, oui ! ». Donc j'ai poursuivi. On est un Cow-boy ou on l'est pas ! Je me suis arrêté plusieurs fois pour prendre des photos.
Un peu plus loin, j'ai croisé un gros 4x4 comme il n'y en a qu'en Amérique. Le conducteur m'a regardé avec un air mi-goguenard, mi-interloqué. Je me suis dit « Tu crois quoi, péteux ! Je suis un Boyer et un couillu, moi ! Pas besoin d'un hummer pour passer par des pistes à la noix ! Je le fais déjà chez moi avec ma Logan, alors hein ? ». Mais en même temps, une petite voix – sans doute celle de la compagne trop raisonnable que je n'ai plus, ou tout simplement mon intuition, aussi – s'est faite entendre à l'arrière de mon cerveau reptilien. « Tu devrais renoncer... T'as vu la tête du mec ? Allez, sois intelligent, pour une fois. Arrête d'écouter ta testostérone ». Mais, après un « ta gueule ! » très approprié, c'est la testostérone qui a gagné.

En voyant ces pierres qui ressemblent à des crânes, j'aurais
dû me méfier... 
J'ai donc continué. J'ai roulé, et roulé encore le long de la Paria river. J'ai failli m'arrêter au départ de la piste de Paria Box, mais mon égo m'a forcé à continuer. Et puis c'était tellement chouette, cette solitude, et tellement beau... Sauf qu'à un moment donné, ce n'étaient plus de simples flaques de boue qu'il y avait sur la route, mais carrément des ornières. Là, je me suis dit : « Nan, ce serait con de s'arrêter là, quand même. Tu viens de faire au moins 30 miles ! Accélère pour passer cette merde, tu vas y arriver ! Yes you can ! Allez, comme à Larrau ! Montre-moi que tu es un bon Boyer !»
Alors je l'ai fait. J'ai bien senti que ça avait raclé sous la voiture, mais qu'est-ce qu'un petit bruit ridicule, au regard d'une aventure réussie ? Alors j'ai roulé ! L'histoire s'est répétée un certain nombre de fois, et chaque fois un peu plus long et un peu plus fort, évidemment. Mais toujours cette petite voix me disait, dans ma tête, que si ce n'était pas pire que ça, ça aller passer. « Ça va passer, ça va passer, ça va passer... », comme dans la chanson des VRP : « Le roi de la route ».

50 nuances de gris (lol)
Mais 5 miles plus loin, ça passait plus. Au milieu de la route et sur une vingtaine de mètres, il y avait... Des sables mouvants. Oui oui, vous avez bien lu. Comment j'ai su que c'en était ? Simplement en m'arrêtant devant le marigot. Il n'y avait plus aucune trace de voiture. Seulement des traces de chaussures qui s'enfonçaient brutalement jusqu'aux genoux (au moins). Alors là, je me suis dit : « Merde... là ça passe plus. T'es obligé de faire demi-tour, mec... Pas le choix. » Et donc re-belote les râclements sous la voiture, les bruits suspects, la trouille de se retrouver coincé à 40 miles de la civilisation dans le désert, à la merci des crotales et des pumas... et des vautours !
Je n'avais qu'une peur, c'était de péter un pneu ou le carter d'huile. Dès que je suis arrivé sur la piste stable, j'ai bombardé jusqu'à la route officielle. Je me suis garé sur le parking à l'entrée de Cottonwood Road et j'ai grillé une clope (délicieuse) en remerciant Jésus et tous les saints d'être arrivé. Ensuite, j'ai fait le tour de la voiture, pour voir, et là... Oups... Y'avait du dégât. A priori des carters en plastiques avaient pris cher. J'ai attendu, pour voir si l'huile perlait, mais non, rien. Alors au cas où, je suis reparti en direction de Page.

Retour à la case départ, la queue entre les jambes...
Comme ça roulait bien et que j'étais déçu de ce fiasco (Pas vu Bryce Canyon, pas vu Escalante, pété la voiture...), je me suis arrêté juste après le barrage de Glenn Canyon, délaissant la marina de Warheap (payante : 15$ – tout est payant là bas ! Et tout est fermé aussi : il y a des kilomètres de grillages et de barbelés le long des routes ! Du coup, on ne peut absolument pas faire de rando sauvage, comme en France.) pour un endroit gratuit. Et là, coup de bol, c'était ouvert et il y avait quelques collines à gravir. Je ne me suis pas fait prier, même si je crevais de chaud !
Ensuite, je me suis arrêté à un joli point de vue, pour photographier le barrage de Glenn Canyon, et je suis rentré à l'hôtel. Il devait être genre 13h00. Là, j'ai regardé un peu mieux l'état de la voiture. J'ai vu qu'un des plastiques (celui sous le réservoir d'huile) touchait la route, et plusieurs autres étaient tordus ou déglingués. J'avais les boules, mais j'avais encore espoir de planquer le truc, (comme la fois où mon frangin – le cadet, encore lui – m'avait mis un nounours dans ma lampe de chevet, que je ne l'avais pas vu le matin, et qu'il avait commencé à se consumer lentement, jusqu'à dégager une fumée âcre et noire. De trouille de me faire engueuler par mes parents, j'avais caché le nounours incandescent dans un autre nounours – un chat siamois – qui servait de range pyjama, et j'avais tout camouflé dans mon armoire, sous un tas de linge sale. En remontant dans ma chambre après le petit déjeuner, j'ai fait semblant de ne pas savoir d'où venait le fog nauséabond qui sortait de dessous la porte, mais en fait, je savais très bien...). Bref...
J'ai essayé d'attacher les parties éclatées avec du fil de nylon que j'avais avec moi, mais rien à faire. La voiture était trop basse. J'ai cherché chez Safeway si je pouvais trouver du fil de fer et une pince coupante, mais il n'y avait rien de tel. Et les autres boutiques qui auraient pu me fournir ça étaient fermées (Dimanche...). Après avoir passé la voiture au kärscher, Je suis rentré dans ma chambre en maugréant, me concentrant sur mes bagages et me disant que la nuit allait me porter conseil...

Une plage près du barrage de Glenn Canyon
22/7/13. Et le matin, je me suis réveillé à 6h00, toujours aussi con... Qu'allais-je bien pouvoir faire pour rattraper la sauce ? Beh rien. Il n'y avait rien à faire. Même avec de la colle super forte, je ne pouvais pas atteindre les parties abîmées du bas de caisse. Alors j'ai relu mon contrat en me rongeant les ongles. Une mention spécifiait que je n'avais pas le droit de réparer (ou faire réparer) en cas d'avarie et que je devais ramener la voiture en l'état au loueur. Alors, après avoir rendu les clés de la chambre, j'ai pris mes cojones dans la main, et j'y suis allé. Au moins, dans l'histoire, j'aurais été un parfait connaud, mais j'aurais été honnête ! C'est aussi ça, être un Boyer, parfois...
J'avais quand même encore espoir que le gars d'Avis ne voit rien, mais je suis arrivé au parking de l'aéroport en même temps que lui.

La marina de Warheap (vue de loin). 
Higgins (je l'ai surnommé comme ça à son insu, parce que je trouvais qu'il ressemblait au copain de Magnum, en plus grand) est sorti de sa caisse furibard, les yeux exorbités. « What did you do with my car ? You went on a dirt road with it ? Your contract says the car must not go off-road !  What am I going to say to the clients who rented the car for tomorrow now ?» (je vous laisse le soin de traduire). Et là, je me suis confondu en excuses. J'étais désolé, je savais pas, j'avais pas fait exprès (ce qui était un peu vrai, quand même), et Cottonwood Road, c'est une road, alors c'est pas off-road... Bref, j'ai baissé ma culotte et me suis mis à quatre pattes ! Pas du tout Boyer, ça, comme attitude. J'ai ajouté que j'allais payer ce qu'il fallait payer, qu'il ne s'inquiète pas... Higgins (très gentil à la base) tremblait de partout. Je le sentais déçu, contrarié. Il m'avait fait confiance, m'avait loué une voiture que je lui avais rendue dans un triste état... Salaud de français, tiens ! Et puis il a fini par se calmer : j'ai accepté de le suivre jusqu'au garage (juste à côté de mon hôtel, lol) pour voir pour combien il y en aurait, mais uniquement s'il me laissait aller aux toilettes de l'aéroport avant. En effet, entre le moment de mon arrivée et ce moment-là, je sentais que si je ne faisais pas gaffe, je faisais tout sous moi... Et j'ai bien fait de négocier ça, les amis !

Le barrage de Glenn Canyon. Vue d'ensemble.
La suite, ben c'est l'examen de la voiture par le mécano, qui a fini par dire que ce n'étaient (fort heureusement) que des dégâts "cosmétiques" et que la voiture pourrait rouler (une fois réparée). Plus tard, alors que j'attendais mon vol pour San Francisco via Phoenix, Higgins est revenu me voir, et m'a annoncé un premier chiffre : 760$ de réparations... J'ai mis du temps à avaler la pilule, quand même... J'y pense encore, un brin désabusé.

Eh voilà ! J'avais qu'à pas me prendre pour Louis Dronde !  

4 commentaires:

  1. tu airais mis 100$ de plus, tu louais un 4x4... ;-)
    bonne continuation amigo !

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  2. Tu remercies Jésus, preuve s'il en est que tu es vraiment en train de t'américaniser ;-)

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  3. clairement, Floris. ca m'apprendra a vouloir faire des economies de bouts de ficelle. mais en meme temps, jen'aurais pas passe les sables mouvants... meme en hummer.

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  4. Ouais Laurent... je vais revenir completement ricain. Tu me voudras plus comme ami, lol

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