mardi 8 mai 2012

Astobelarra a voulu creuser un peu le côté écolo-nihiliste de L’infection.

Dédicace pour Mathieu Larregain.
Avec Laurent (Caudine), on s’était dit qu’on allait faire comme pour Pierre Gastéréguy, une petite vidéo de présentation sympa. Mais en fait, je ne supporte pas de me voir parler. En outre, je suis très nul en improvisation orale : je suis hésitant, bafouilleur, et au final, j’ai l’air d’une andouille de première. Alors ça pourrait être rigolo, si c’était fait exprès, mais ce n’est que ridicule.
De plus, je trouve que le principe du Teaser va beaucoup mieux à un roman que l’interview filmée. Donc voilà, je ne vais pas utiliser les rushes de vidéo qu’on a fait à cette occasion (saint Beau Smart m’en préserve !), mais publier ici même une transcription exacte de ce que j’aurais voulu que ce soit, si j’avais été vidéogénique et moins… gogol
Cet entretien complète celui publié dans la gazette.

Astobelarra : Peux-tu nous résumer en quelques mots ce que raconte ce livre ?
Etienne H. Boyer : Je dirais que ce premier tome commence comme une histoire d’amour à sens unique et que ça se termine comme un film d’épouvante.
Un quadragénaire solitaire tombe amoureux d’une collègue de travail qui pourrait être sa fille. Pour l’approcher, il va essayer de se faire passer pour un autre sur Internet. Sauf que, comme dans la jungle la plus profonde, un prédateur est là qui l’attend et va transformer sa vie et celle de toute l’humanité en cauchemar sans nom.
C’est un roman de gare gore, écolo-nihiliste. Je le voulais divertissant tout en restant assez engagé dans le propos.

A : Tu qualifies ton roman de “nihiliste”. Effectivement quand on le lit on remarque qu’il n’y a pas de vrai héros auquel on pourrait s’identifier…
EHB : La question sous-jacente posée par le roman et que je me pose continuellement, c’est “quand va t-on enfin cesser de fabriquer les monstres qui nous conduisent à notre perte ?“. Pour appuyer ma démonstration, je voulais décrire un monde noir et sans espoir, comme un bourbier étouffant, glissant et sans fond, habité par une créature cannibale à l’humour et à la bile acide.
Il fallait en outre que les personnages soient un peu fourbes et/ou malheureux. On est dans une sorte de “quatrième dimension”, dans laquelle je n’ai pas l’impression de m’être si éloigné que ça de la réalité, finalement ;-) 

A : Patrice Bodin un des personnage principal. Il en bave pendant toute l’histoire. Il se retrouve coincé dans un univers virtuel dans les méandres de l’internet. Il doit lutter contre des entités numériques néfastes qui veulent le détruire. Tu l’as sacrément assaisonné ce pauvre homme ?
EHB : Bon, déjà, contrairement à Mauvais berger !, L’infection n’est pas un livre autobiographique. Néanmoins, Patrice, comme tous les personnages de ce livre, est une empreinte subjective de plusieurs individus que j’ai pu rencontrer dans ma vie et notamment de moi-même. C’est donc une projection négative de moi-même (ou de ce qui me passe par la tête) que je maltraite lorsque j’estropie Patrice ou lorsque je tue telle ou telle autre personne, dans des conditions horribles le plus souvent.
De même et mis à part ceux qui sont nommément cités (comme Niko Etxart, par exemple), aucun des personnages n’incarne une personne existant réellement.

A : Il y a aussi Beau smart une “intelligence artificielle” qui prend possession du corps de Patrice. Beau Smart n’a aucune humanité… Bon je n’en dis pas plus pour ne pas dévoiler l’intrigue, mais peux-tu nous expliquer quelle est ta motivation pour écrire ce roman, assez misanthrope au demeurant ?
EHB : Un jour que j’avais trop abusé de caféine, je n’ai pas réussi à m’endormir le soir. Et lorsque, enfin, j’ai pu sombrer dans les bras de Morphée, toute la trame du livre m’est apparue en rêve. Je ne rentrerai pas dans les détails, mais je t’avouerais que beaucoup de choses pénibles se télescopaient dans ma tête, à l’époque. Si tu pouvais les interroger, mes camarades de classe te diraient que j’ai toujours été un brin misanthrope. Mais là, j’en voulais à la terre entière autant qu’à moi même. L’infection, c’est clairement un exutoire, une façon de me purifier le cerveau de toutes mes idées noires, de mes colères, de mes frustrations du moment. C’est en quelque sorte mon auto-exorcisme !

A : Tout à l’heure je disais que tu qualifiais ton roman de “nihiliste”. Mais tu le qualifies aussi “d’écologiste”. Peux-tu préciser?
EHB : Tu as noté que L’infection, c’est en quelque sorte une métaphore de l’humanité et de ses travers. Tu vois, par exemple, on sait pertinemment que la production d’énergie nucléaire peut créer des monstruosités non-maîtrisables comme Tchernobyl ou Fukushima. Or tout, dans notre société, de notre système économique à la gestion administrative, est entièrement dépendant de l’électricité. Tout ce château de carte peut s’ébranler en quelques secondes, à la moindre inattention, au moindre accident. Pourtant, on continue à écouter religieusement les élus à œillères, manipulés par les lobbies du fric, qui font la promotion de l’idéal sociétal occidental actuel comme si leur vie en dépendait. Si on les écoute, “il n’y a pas d’autre solution”. Pourtant, les alternatives existent. Il suffirait d’y réfléchir vraiment…
Ceux qui se sentent visés par leurs critiques accusent souvent les écologistes d’être des ayatollahs catastrophistes, de prédire la fin du monde dès qu’on coupe une marguerite, etc. C’est le contraire, bien sûr. En voulant sauver la planète, les écologistes veulent d’abord sauver l’homme.
Dans L’infection, j’assume parfaitement mon côté nihiliste et je pose la question : “pour sauver la planète et les merveilles qu’elle abrite, faut-il détruire l’humanité (ou la laisser s’autodétruire)“? C’est cela, l’autre thème sous-jacent de ce roman.

A : As-tu des inquiétudes particulières en ce qui concerne les mondes virtuels et les diverses technologies auxquelles nous sommes soumises ?
EHB : C’est une question qui pue un peu, ça ! Bon, autant le dire tout de suite : je travaille dans le milieu du web (au sens large du terme) depuis trois ans et demi, ce qui n’est pas sans me poser quelques cas de conscience, de temps à autres. Précisons que, comme tout écologiste – convaincu – qui se respecte, je suis bourré de contradictions : je suis écœuré par l’envahissement, l’aliénation, la médiocrité véhiculés par un grand nombre de nouvelles applications TIC, dont la majorité n’a pour but que de faire davantage de commerce, de profit, etc. Ce qui m’angoisse, surtout, c’est qu’il y a toujours des petits malins pour dévoyer les inventions les plus utiles et les intentions les plus louables, qui seraient censées améliorer l’ordinaire.
Mais en même temps, je suis fasciné par le progrès et la technologie, qui, s’ils sont utilisés avec humanisme, peuvent vraiment aider à l’amélioration de la société. Il suffit de voir de quelle façon tunisiens et égyptiens ont utilisé Twitter, lors de la “révolution de jasmin”, pour en être persuadé.
Je suis convaincu que les univers virtuels peuvent aussi trouver leur utilité, notamment dans l’aide au traitement de certains désordres psychologiques comme l’agoraphobie, entre autre.
C’est aussi de cela que je parle, en filigrane, dans L’infection. En résumé : tout n’est pas tout noir, tout n’est pas tout blanc…

A : Il y a beaucoup de référence au cinéma. Notamment le cinéma d’action américain ou la science-fiction. Tu peux nous dire quels sont tes livres, films cultes ?
EHB : Je suis un enfant des années 70. J’ai été bercé par le cinéma fantastique de ces années là. On retrouve très certainement des idées développées dans des films célèbres comme The Shining, Terminator, Cube, Matrix, Kamikaze, la Machine et autres Hidden dans L’infection.
La culture geek, issue des comics américains et des jeux de rôles est aussi très perceptible dans le roman. Et puis concernant la littérature, on ressent probablement l’influence de Stephen King et autres auteurs fantastiques contemporains dans mes écrits. Davantage sur le fond (l’histoire) que sur la forme (le style), je suppose.
Je me retrouve aussi dans Les idées noires, de Franquin.

A : L’intrigue du livre se passe en Soule. Il est fait référence à des évènements politiques, des lieux que tout le monde connaît… C’était important pour toi d’écrire un roman qui se déroule ici ?
EHB : D’abord je souhaitais ancrer ce premier tome dans une réalité locale et rurale, de façon à ce que “monsieur tout le monde” puisse se sentir concerné. La Soule s’est imposée d’elle même à moi : j’adore ce petit coin de paradis, cette émeraude chatoyant de mille verts qui m’a accueillie il y a une quinzaine d’années. C’est mon chez-moi et je n’en voudrais pas d’autre.
J’ai voulu montrer ses aspects positifs : sa beauté, sa culture, la nature… mais aussi ce que je considère comme ses aspects négatifs : le Wimax, “la voie de Soule”, le paternalisme d’un certain patronat, le cynisme de certains élus locaux, le productivisme d’une certaine agriculture…
Bref, j’ai voulu montrer que cet Eden était fragile, en équilibre précaire et qu’un rien pouvait l’anéantir. Une mauvaise décision politique, et c’est “l’enfer sur terre”.
C’est un peu caricatural, c’est vrai, car il faudrait une somme considérable de mauvaises délibérations pour que tout le système plante, mais j’ai toujours trouvé que la caricature ouvrait plus facilement des portes sur l’inconscient collectif. Un bon dessin de presse a bien plus de pouvoir qu’un mauvais débat de l’entre deux tours, sur BFMTV…

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